Le défi principal pour l’Europe est de s’assurer que la régulation industrielle ne freine pas la croissance, surtout face à la concurrence mondiale et aux transitions économiques majeures. La croissance de la productivité de l’UE, si l’on exclut le secteur technologique, serait similaire à celle des États-Unis sur les 20 dernières années. Pourtant, l’Europe n’a pas su capitaliser sur la révolution numérique et reste à la traîne sur plusieurs plans stratégiques.

1. La divergence de la productivité UE/États-Unis

Le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne montre que l’UE a vu sa productivité diverger de celle des États-Unis dans les années 1990 à cause de l’incapacité à saisir les opportunités de la révolution numérique. La mise en place d’une politique industrielle plus ciblée est désormais cruciale pour le futur de l’UE.

Le nombre d’interventions commerciales jugées « nuisibles » a explosé


➡️ Ce graphique montre l’augmentation massive des interventions commerciales jugées « nuisibles » au sein de l’UE, en particulier depuis 2020, où elles ont atteint leur pic. Cela démontre une montée en protectionnisme dans certaines industries stratégiques.

2. Transition vers les technologies propres

Le passage aux technologies vertes dans l’automobile et l’énergie est un défi majeur pour l’UE. La Chine domine désormais les exportations mondiales de technologies propres grâce à ses subventions massives et à des coûts de fabrication plus bas. Cette domination menace les industries européennes qui risquent de se voir exclues de certaines chaînes d’approvisionnement critiques, comme celle des batteries.

Les importations de voitures électriques en provenance de Chine ou d’entreprises chinoises augmentent rapidement

➡️ Ce graphique illustre la montée des importations de voitures électriques fabriquées en Chine ou par des entreprises chinoises. Entre 2021 et 2022, ces importations ont fortement augmenté, accentuant la dépendance de l’UE vis-à-vis de la Chine dans ce secteur.

3. Le retard en matière d’investissement en capital-risque

Le manque d’investissement en capital-risque est un autre défi pour l’Europe. Le secteur technologique de l’UE n’arrive pas à attirer suffisamment de fonds pour soutenir les startups innovantes, en comparaison avec les États-Unis où l’investissement dans le capital-risque est près de cinq fois supérieur.

Les États-Unis surpassent la Chine, l’UE et le Royaume-Uni en matière d’investissement en capital-risque

➡️ Ce graphique met en évidence la disparité énorme entre les États-Unis et l’Europe en termes d’investissements dans le capital-risque. En 2023, les États-Unis ont investi environ 300 milliards de dollars, contre moins de 50 milliards pour l’UE.

4. Régulation excessive dans l’UE

Andrew McAfee du MIT souligne que le problème en Europe n’est pas un manque de financement, mais bien la fragmentation des gouvernements et la lourdeur de la régulation. Cela freine l’innovation, en particulier dans les secteurs technologiques et industriels. Les coûts de restructuration, en particulier ceux liés à la protection de l’emploi, sont beaucoup plus élevés en Europe, désavantageant les entreprises européennes par rapport à leurs homologues américaines.

Le soutien public à la R&D provient des gouvernements nationaux dans l’UE

➡️ Ce graphique montre que la majeure partie du financement de la recherche et du développement dans l’UE provient des gouvernements nationaux, contrairement aux États-Unis où une plus grande part est allouée au niveau fédéral. Ce modèle fragmenté entrave la compétitivité de l’UE dans le secteur de la recherche.

5. L’analyse de la réglementation et son impact sur l’innovation

L’analyste en politiques technologiques, Adam Thierer, a souligné que plusieurs études récentes ont documenté les coûts associés au règlement général sur la protection des données (RGPD) et à l’approche stricte de l’UE en matière de flux de données. Ces réglementations imposent des coûts considérables aux entreprises innovantes. Plus l’entreprise est petite, plus l’impact implicite est important. Les marchés fragmentés de l’UE ajoutent à cette complexité, créant un fardeau qui rend difficile pour les entreprises européennes de concurrencer leurs homologues américaines.

Par ailleurs, un rapport d’Oliver Coste et Yann Coatanlem souligne que les entreprises doivent pouvoir ajuster rapidement leurs coûts à la lumière des évolutions du marché, en particulier en ce qui concerne la réglementation du travail. Cela peut s’avérer coûteux et freiner la capacité des entreprises à se restructurer efficacement.

Les grands pays de l’UE dominent la fourniture d’aides en termes absolus

➡️ Le graphique illustre la domination des grands pays européens dans l’octroi des aides. L’Allemagne et la France sont en tête avec une aide importante pour la crise Covid et l’Ukraine, mais aussi pour d’autres secteurs non liés aux crises, montrant leur implication dans la stabilisation économique.

Conclusion
La réglementation reste le principal obstacle à la compétitivité industrielle de l’UE. Si l’Europe veut rester dans la course mondiale, elle doit trouver un équilibre entre régulation et innovation, sans quoi elle risque de rester en retard face aux États-Unis et à la Chine. Pour cela, une simplification des politiques et une meilleure coordination entre les pays membres de l’UE sont essentielles.